Polémiques autour de la nouvelle mairie (1850)

Adrien Chollat, habitant du village, nous propose des petites histoires sur Saint Geoire à partir de ses recherches dans les archives municipales.

Ses chroniques ont été publiées dans les lettres municipales entre 2012 et 2015.

En 1849, l’hoirie* vacante de Jacques Mignot est mise en vente judiciaire. Le lot n°2 de cette succession, comprend une remise et un jardin.

« Cet immeuble situé au centre du Bourg de St Geoire a été reconnu le plus convenable pour l’établissement d’une maison commune et d’un poids public » et le Conseil Municipal du 16 décembre 1849 décide, par 16 voix contre 5, l’achat de ce lot, pour en faire la mairie, une salle de justice de paix et un poids public. Le maire fera l’acquisition de ce lot lors de la vente publique du 31 décembre 1849 pour la somme de 6000 francs.

Ce bâtiment est situé au tournant du chemin de grande communication n°4 de Chirens à Pont de Beauvoisin près de la halle où se tient le marché. Les confins sont :

À l’est château, jardin et verger de M. de Vallier, au sud jardin de M. Thermoz-Minieutaz, à l’ouest et au nord le chemin de grande communication n°4 de Chirens à Pont de Beauvoisin.

Le 24 février 1850 le conseil municipal confie à un géomètre de La Tour du Pin la mission de :

  • Dresser le plan du bâtiment et du jardin
  • Prévoir les devis des travaux à exécuter pour l’établissement de la maison commune et d’une salle d’audience pour la justice de paix

Faire le rapport descriptif et estimatif.

Le 30 août 1850, un décret du Président de la République « approuve l’adjudication passée le 31 décembre 1849 au profit de la commune de St Geoire en Valdaine d’une remise et d’un jardin dépendant de la succession du Sieur Jacques Mignot pour servir à l’établissement de la mairie de la justice de paix et d’un poids public ».

Tout semble se dérouler normalement et St Geoire en Valdaine peut espérer pour bientôt sa nouvelle mairie.

Mais cela ne fait pas l’affaire de tout le monde. Une pétition est remise au maire le 29 avril 1850 par les habitants du bas du bourg et les environs.

En voici quelques extraits :

« Les soussignés viennent avec confiance vous demander un acte de justice et vous prient instamment de vouloir bien tracer le plan de la maison de ville de manière à ce que le bas du bourg ait le marché et le haut du bourg la maison commune ou bien que le marché soit en haut et la maison en bas« 

« Il serait aussi injuste et blâmable de donner tout au même quartier que si un père de famille donnait tout à un enfant et rien aux autres »

Certains conseillers ayant argumenté que le bas du bourg avait l’église et le marché aux bêtes, les signataires précisent : « quant à l’église elle offre bien plus d’avantage dans le haut que dans le bas… sitôt l’office terminé la foule se porte toujours en haut… que pour les ventes et les consommations les abords de l’église ne sont d’aucun avantage. Quant au marché aux bêtes… l’expérience nous a assez prouvé que jamais il ne pourrait réussir dans la commune de St Geoire.

Ainsi Messieurs ce n’est donc pas la vue de l’église et des poteaux pour les bêtes qui donnera du pain à tous ces pères de famille la plupart très pauvres qui habitent le bas du bourg, pendant qu’on agglomérera sur un quartier riche tous les bénéfices. Les soussignés réclament à ce qu’il soit fait une plus équitable répartition des bienfaits de la ville. »

Plus loin les signataires engagent la municipalité à utiliser cette remise pour créer une halte pour la route et le pays. Cette remise, disent-ils, est le seul bâtiment « qui puisse convenablement abriter les voitures qui passent si fréquemment à St Geoire, vous avez fait une route à grand frais pour y faire passer les voyageurs qui nous laissent de l’argent et vous leur ôteriez le seul abri qu’ils puissent trouver dans la ville et vous ôteriez ainsi à la route une partie de ses avantages vous forceriez les voyageurs à s’arrêter avant d’arriver à St Geoire ou à filer plus loin, vous nuiriez au pays et aux passants« .

Voilà des arguments qui peuvent faire sourire le St Geoirien de 2013. Mais on peut imaginer l’importance de cette polémique en 1850, elle a dû alimenter les conversations pendant des mois. Les murs des débits de boissons se sont imprégnés de ces conversations, des arguments pour ou contre, des disputes, des rancunes entre le haut et le bas.

*Hoirie : héritage indivis

Source : archives de la mairie de St Geoire en Valdaine