Les moulins de l'Ainan

La longue histoire des moulins autour de Saint Geoire

S’ils n’ont jamais habité au bord de la rivière, trop imprévisible, dès l’époque mérovingienne, les habitants de la vallée de l’Ainan en ont utilisé la force. Monsieur Alain Schrambach (voir son site internet : bernard.schrambach.free.fr) a longuement étudié notre vallée dans les années 1990.

A Saint Geoire en Valdaine, la force motrice de l’eau a d’abord été utilisée sur les ruisseaux affluents.

Le ruisseau du Verderet, au centre du village, était intéressant puisqu’une chute naturelle permettait facilement d’y installer un moulin. Le débit de l’eau était suffisant pour alimenter une forge et son marteau. En dernier, ce fut une fabrique de socs de charrues. L’habitation est encore visible en haut de la rue de Verdun (2). C’est l’atelier de Richard Cole, notre peintre caricaturiste.

Les Toponymes témoignent de l’activité

Le ruisseau de la cascade (3) a probablement servi à une fabrique de tuiles (le mot la Thuery est un toponyme de tuilerie). La Martinette, où se trouvent les terrains de sports, est une déformation du mot « martinet », appareil qui servait à pilonner les tiges du chanvre, avant d’en extraire les fibres pour les envoyer à Marseille, pour la marine à voile. «La blancherie» (plus en aval) était l’endroit où l’on étendait les voiles pour la blanchir sur l’herbe.

Jusqu’au milieu du 19 éme sicècle, les moulins sont demeurés loin du progrès et peu développés dans la Valdaine, pour deux raisons pincipales :

En premier lieu, les moulins (appelés banaux car dans la ban des possessions du seigneur) n’appartenaient pas à des particuliers. L’utilisateur (le fermier) n’avait pas d’intérêt à moderniser une installation qui appartenait au Comte.

La révolution de 1789 a modifié ce frein au progrès.

En deuxième lieu, la Valdaine était isolée de Voiron et Grenoble par la montée du Verdun, par Chirens et elle tournait le dos à la Savoie, considérée comme pays étranger.

La pente naturelle vers Pont de Beauvoisin, avant l’invention des moteurs à explosion permettait d’écouler facilement les tissages (et de rapporter quelques denrées, en douce, moins taxées par la Savoie). Le rattachement de la Savoie à la France en 1860 et l’arrivée du chemin de fer (du tram) entre Charavines et St Béron, ont changé la donne.

L’age d’or de l’hydraulique au 19 ème siècle Différents moulins se sont installés sur l’Ainan, permettant d’augmenter la puissance des moteurs.

La dynastie des Michal-Ladichère, dés 1830 jusqu’aux années 1940, a considérablement favorisé l’essor de la vallée. L’utilisation de l’eau comme source d’énergie s’est peu à peu organisée de la façon suivante :

A la sortie de la Côte d’Ainan (1) une partie de la rivière était canalisée sur la rive gauche du marais, sous la RD82. Le canal du moulin, encore visible sur les cartes d’état-major, filait tout droit, traversait la déviation de la RD82 (qui n’existait pas) et alimentait l’usine de tissage Duc (4). Le site est devenu la Zone Artisanale du Bigallet, où est installée la biscuiterie Louvat. Après avoir traversé l’usine de tissage, l’eau rejoignait le canal du moulin pour faire fonctionner la minoterie (5), en aval du pont des Brosses.

En amont de l’actuelle brasserie du Val d’Ainan, la rivière était équipée d’un barrage permettant d’alimenter la turbine de la Martinette. Les vannes et le canal sont encore visibles derrière la brasserie actuelle (6).

A la sortie de l’usine, l’eau passait en souterrain pour renforcer le canal dont les vannes sont encore entretenues, à gauche de la Martinette (7). Ce dernier canal continue jusque la grande usine de tissage du Champet. Un dernier canal alimentait la papeterie de La Pâle. La fée électricité a pris la place de l’hydraulique

La puissance de l’eau sur notre petite rivière n’était pas extraordinaire. Avec un débit de 1000 litres par seconde (débit moyen de l’Ainan) et une dénivelée de 5 mètres, la puissance d’une turbine atteignait difficilement 50 kW, l’équivalent

électrique de cinq habitations actuelles. On comprend qu’après la généralisation de la distribution de l’électricité, l’utilisation de l’eau pour faire tourner les machines a été peu à peu abandonnée.

Certains des canaux sont encore visibles. Comme les lavoirs, les croix des bords de routes, les toits dentelés des usines de tissage, ils sont des témoins nostalgiques, plus ou moins bien entretenus par des particuliers bénévoles.

Patrice MORTREUIL