La naissance de trois nouvelles communes en 1884

Adrien Chollat, habitant du village, nous propose des petites histoires sur Saint Geoire en Valdaine à partir de ses recherches dans les archives municipales et départementales.

Ses chroniques ont été publiées dans les lettres municipales entre 2012 et 2015.

Au 19ème siècle, Merlas et ses trois clochers, Voissant, St Bueil, et St Geoire en Valdaine formaient les quatre communes du Val d’Ainan.

La commune de St Geoire était composée d’un chef-lieu et de trois annexes paroissiales : Massieu, les Rivoires et St Étienne de Velanne.

Les prémices de la séparation

Le 20 avril 1843, les habitants de la Sauge, de Velanne et de la Ramelière forment un syndicat pour l’établissement de leur propre paroisse. Jusqu’à cette date, les habitants de ces trois lieux-dits appartenaient, pour le culte, en partie à la paroisse de St Geoire en Valdaine et en partie à la paroisse de St Jean d’Avelanne.

St Geoire allouait annuellement 200 francs à St Jean d’Avelanne pour participation au traitement du vicaire.

Le 1er mai 1857, les habitants des Rivoires se constituent aussi en syndicat pour la construction d’une église, d’un presbytère et d’un cimetière. Après la construction de l’église, est construite une école de garçons et une de filles.

Depuis 1805, Massieu est érigé en paroisse. Elle est située sur deux communes et deux cantons : 2/3 sur St Geoire, canton de St Geoire, et 1/3 sur Chirens, canton de Voiron.

On observe un resserrement des habitants autour du clocher, sans doute alimenté par des reproches vis-à-vis de l’autorité municipale.

Nous verrons que les arguments utilisés pour justifier cette demande de séparation ne sont pas toujours amicaux.

23 juin 1877, la paroisse de Massieu adresse une lettre au préfet de l’Isère pour demander son érection en commune. Elle mentionne les démarches déjà faites en ce sens de 1818 à 1848.

12 février 1878, c’est St Étienne de Velanne qui écrit au préfet pour demander son érection en commune.

Par une lettre du 1er mai 1878, St Sulpice des Rivoires fait la même requête.

Le problème des limites d’agglomération freine le processus

Par courrier du 6 février 1879, le préfet demande au sous-préfet d’ajourner ces demandes d’érection car se pose le crucial problème des limites : les futures communes ne sont pas cadastrées.

Le 6 Mai 1879, un arrêté préfectoral institue une commission syndicale dans les sections de Velanne et des Rivoires et deux autres dans la section de Massieu (une sur le territoire de Chirens et l’autre sur St Geoire).

Un arrêté de la même date ordonne une information publique pendant 15 jours, à partir du 18 mai et nomme un commissaire enquêteur. Cet arrêté est affiché à la porte principale de la maison commune, de l’église et dans les sections.

Le Conseil Municipal de St Geoire, réuni le 24 juillet 1879, accepte à la majorité des voix que les sections de Velanne, des Rivoires et de Massieu soient coupées de St Geoire pour être érigées en communes distinctes. Rien ne semble alors pouvoir empêcher la naissance de ces trois nouvelles communes.

Les arguments des communes demandant la séparation

Le 1er mai 1878, la section paroissiale des Rivoires (600 habitants) appuie sa demande, dans une lettre adressée au préfet, avec les arguments suivants :

« L’étendue du territoire, la disposition des lieux séparés entre eux par des coteaux considérables, ont créé la nécessité d’établir des écoles et un service religieux dans chaque section.

La majorité de la population est à près de six à sept kilomètres du chef-lieu avec des chemins dont l’accès est difficile. Jusqu’à ce jour nous avons supporté toutes les charges qui n’ont servi qu’aux améliorations et aux embellissements du chef-lieu qui ne forme cependant qu’un bourg de 600 habitants. La section possédait des terrains communaux qui ont été vendus au profit du chef-lieu. Pour sortir facilement du vallon que nous habitons, nous attendons toujours l’exécution des chemins qui nous ont été promis et qui nous faciliteraient la vente de nos produits……

Lorsque nous avons voulu avoir un service religieux nous avons été obligés de fournir seuls, tous les frais nécessaires pour la construction de l’église…. La section érigée en commune pourrait dépenser chez elle aux améliorations de ses chemins et à la construction de ses écoles, la part qui lui revient par le paiement des différentes contributions. Nous ne resterions pas isolés. »

Le 12 février 1878, la section de St Etienne de Velanne (724 habitants) avait utilisé les mêmes plaintes pour justifier sa demande d’émancipation. Elle accuse même St Geoire : « elle est donc exploitée, on peut le dire sans contradiction, par le chef-lieu …». Massieu manifestait également une certaine antipathie pour St Geoire. Dans une pétition du 23 juin 1879, les pétitionnaires expriment clairement « une animosité très vive contre l’administration de St Geoire qui refusait de reconnaître les besoins de la section de Massieu….. ».

Les trois sections argumentent également qu’étant séparées du chef-lieu pour le culte, elles souhaitent l’être pour le civil.

Le rapport du commissaire

Le 21 avril 1880, le commissaire enquêteur rend son rapport. Il réfute les accusations des sections à l’encontre de St Geoire et fait la démonstration que ces trois paroisses n’ont pas été négligées par l’administration communale. En conséquence il n’approuve pas la demande de séparation.

Il conclut « tout en regrettant une séparation qui amoindrira beaucoup une commune importante, sans nécessité ni avantages pour les communes à ériger, nous concluons, puisqu’il y a consentement du conseil municipal de St Geoire, à l’érection des trois communes de Massieu, Velanne et les Rivoires, en communes distinctes, sauf à régler leurs délimitations respectives avec St Geoire ».

Bien sûr, les trois futures communes contestent ce rapport et réaffirment le bien-fondé de leur demande. De toute façon, le processus de leur création est bien engagé et irréversible.

La décision de créer ces trois nouvelles communes étant prise, il reste à en déterminer les limites. Il faut étudier la répartition, entre les communes, du bénéfice des divers impôts, tenir compte de la topographie du pays, des limites traditionnelles des sections, des intérêts des populations et enfin des règlements cadastraux. La tâche est ardue !

L’opposition du Conseil Municipal dépasse les bornes !

Les sections dissidentes demandent et ne veulent comme limites, que celles qui déterminent actuellement leurs sections paroissiales. Les édiles de St Geoire refusent, au prétexte que ces limites ne sont ni naturelles, ni fixes et qu’elles amoindriraient trop la commune, chef-lieu de canton. Il est vrai que ces limites paroissiales n’étaient pas cadastrées (Conseil municipal du 24 juillet 1879).

La municipalité de St Geoire, dans une lettre du 10 juin 1881 au Préfet et au Conseil Général conteste encore ces limites :

« Nous n’accepterons jamais comme limites des lignes fictives, arbitraires et déraisonnables, telles qu’elles existent actuellement pour le culte, lesquelles ont le grave inconvénient sur divers points de couper à travers champs au détriment de la section de St Geoire…. ».

Le 3 juillet 1881, à la demande du Préfet, une réunion du Conseil Municipal est organisée à St Geoire pour statuer sur le projet de délimitation. Le maire et les conseillers de la section de St Geoire sont absents ; ils ont démissionné en signe de contestation. Ils avaient déjà boycotté une réunion le 14 juin et un rendez-vous sur le terrain pour l’établissement de ces limites.

Lors de la séance du 24 janvier 1882 du nouveau Conseil Municipal de St Geoire, les représentants du chef-lieu contestent les limites proposées, prétendant qu’ils n’avaient pas été régulièrement appelés à faire connaitre leur point de vue. Ils semblent avoir oublié leur absence lors de réunions capitales…

Des hameaux veulent demeurer à Saint Geoire. La contestation vient également des habitants de certains hameaux.

Le préfet reçoit de nombreuses lettres de protestation :

•15 septembre 1879, les habitants de L’Orcière, les Egarrières et les Hôpitaux demandent à rester sur St Geoire,

• 13 octobre 1880, les habitants des Rajans, de L’Orcière et des Vernes demandent à rester sur St Geoire. Requête analogue des Communaux le 14 octobre 1879.

13 avril 1881, nouvelle pétition des habitants des hameaux des Egarrières de l’Orcière, des Hôpitaux et des Communaux, qui veulent rester sur St Geoire,

• 7 juin 1881, pétition des habitants de Cormérieu et des Rieux qui ne veulent pas être rattachés à Massieu,

• Les habitants du Platon et du Bas-Grosset, le 10 juin 1881, demandent à demeurer sur la commune de St Geoire,

• Les Hameaux des Gonnets, de Cormérieu, du Grand et du Petit Consuoz, tous appartenant à la section paroissiale de Massieu, refusent de faire partie de la commune de Massieu.

Il aura fallu beaucoup de patience et de diplomatie pour arriver à l’adoption des limites communales que nous connaissons aujourd’hui.

Mais ce travail a pu être mené à son terme.

Le 17 avril 1884 paraissait au journal officiel la création de trois nouvelles communes :

Massieu, St Sulpice des Rivoires et Velanne.

Sources : Archives départementales.

Archives de la mairie de St Geoire en Valdaine.